30 novembre 2006

Les limites du journalisme politique

Pas vu, pas pris : film fort intéressant où Pierre Carles revient sur l'histoire de son documentaire, Pas vu à la télé, réalisé en 1995 et interdit à la télévision française, qui mettait en évidence les connivences entre les grands journalistes politiques de la télé et les hommes politiques.

Ce film ne nous révèle rien que nous ne sachions déjà, mais le voir ainsi - en pleine lumière - se révèle néanmoins choquant. On comprend aisément que les journalistes stars évoluent dans le même univers que les politiques, les fréquentent, en sont souvent les amis, ou du moins des "connaissances", et parfois de longue date, à l'époque où chacun était encore anonyme. On comprend donc leurs relations intimes, leurs amitiés, on comprend que les journalistes soient tentés d'évoluer aux côtés des puissants, dans les plus hautes sphères, dans le confort et les dorures, on comprend que cela est flatteur, gratifiant, agréable. C'est humain...

Cela pose pourtant un immense problème d'éthique journalistique. Le journaliste est censé dire le vrai, quitte à froisser les puissants, il est censé "porter le fer dans la plaie", comme on dit de manière enthousiaste et lyrique lorsque l'on veut croire à la noblesse de ce métier. Or, le journaliste star n'attaquera jamais son copain politique, celui-là même qu'il tutoie, qui l'invite au restaurant ou lui accorde d'autres faveurs. Le problème est insoluble. Ce film le montre. La parole libre, échappant à la censure ou à l'auto-censure, n'a pas sa place. Elle est synonyme de chômage pour le journaliste.

On appréciera le témoignage de Patrick Poivre d'Arvor, qui, droit dans les yeux, nous dit n'avoir jamais accepté le moindre cadeau de la part d'un politique, alors qu'on apprend que Jacques Chirac en personne lui a permis d'aller jouer avec ses copains écrivains au footbal sur un terrain de jeu pour le moins particulier... la pelouse du Parc des Princes. Rien que ça. On savourera les propos de l'ancien présentateur d'Envoyé Spécial, Bernard Benyamin, qui s'insurge d'avoir été piégé par Pierre Carles, alors que ses journalistes emploient exactement les mêmes méthodes dans les reportages d'Envoyé Spécial... Pas beau joueur. On appréciera l'hypocrisie de toute cette jet set de l'information, qui n'assume pas, face au grand public, ses complicités coupables.

Décorticage implacable de l'auto-censure "nécessaire" de tous les journalistes politiques du petit écran.


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