Mardi 22 mai 2007, après presque sept années d'absence, les Smashing Pumpkins effectuent leur grand retour sur scène à Paris, au Grand Rex. Trois heures de concert et de retrouvailles, pour découvrir quelques titres du nouvel album, Zeitgeist, qui sortira le 10 juillet prochain, mais surtout pour réentendre les plus fameux standards du groupe.
19 octobre 2000, à Bercy. Les Smashing Pumpkins - mythique groupe de rock alternatif des années 90 -, sont en pleine tournée d'adieux, et offrent leur dernier concert au public français. Ce soir-là, ils livrent un spectacle grandiose, absolument époustouflant, des sensations d'une intensité inouïe, presque un sentiment d'absolu, qui rend, par la suite, le retour sur terre bien difficile, et fait apparaître, par contraste, la réalité quotidienne incroyablement fade. Le genre d'expérience d'excessive plénitude dont on ne se remet que lentement.
22 mai 2007, au Grand Rex. Le plus grand groupe rock du monde est enfin de retour. La formation a quelque peu changé de visage : elle comprend toujours, bien sûr, Billy Corgan - le charismatique chanteur chauve, guitariste aussi et compositeur -, Jimmy Chamberlin - le batteur d'exception -, mais plus D'arcy Wretzky - la bassiste -, remplacée par Ginger Reyes, ni même James Iha - l'autre guitariste et co-fondateur du groupe avec Corgan -, remplacé, lui, par Jeff Schroeder. Une claviériste, Lisa Harriton, est également de la partie en ce soir de rentrée au Rex.
Sous le signe du classicisme
Vêtus d'un blanc virginal, comme pour signifier leur nouveau départ, les Smashing Pumpkins présentent quelques-uns des titres de leur nouvel album, Zeitgeist (l'on peut reconnaître le single "Tarantula") ; mais ils reprennent surtout les titres qui ont fait leur gloire passée ; il n'en manque pratiquement aucun : "Today", "Hummer" (début et fin), "Rocket", "Cherub Rock", "Silverfuck", "Disarm" (de l'album Siamese Dream), "Bullet With Butterfly Wings", "Thirty-Three", "1979", "Tonight, Tonight", "Zero", "Muzzle" (de Mellon Collie and The Infinite Sadness), "To Sheila", "Shame", "Annie-Dog" (de Adore), "Stand Inside Your Love", "Glass and The Ghost Children" (de Machina/The Machines of God), "Home" (de Machina II/The Friends and Enemies of Modern Music), "Winterlong" (de Judas O), "Untitled" (de Rotten Apples)...
Les nouveaux titres proposés (en l'occurrence, "United States", "Orchid", "Doomsday Clock", "Starz", "Tarantula", "For God and Country", "Never Lost", "That's the Way"), très minoritaires dans la programmation, se trouvent noyés au milieu de tous ces tubes ; d'autant plus qu'ils sont joués en public pour la toute première fois, et ne sont donc absolument pas identifiables par les spectateurs, qui n'en garderont qu'un très incertain souvenir. Les morceaux déjà connus volent inévitablement la vedette aux nouveautés, dont on se sent finalement un peu frustré. Cette forte réappropriation du passé est, certes, sympathique ; mais peut-être aurait-il mieux valu se focaliser davantage sur les dernières créations du groupe.
Globalement, les titres inédits font bonne impression, sans être pour autant transcendants. L'un d'eux m'apparaît, sur le moment, excellent ; mais son souvenir, avec quelques heures de recul, s'évapore déjà... On peut aussi remarquer un très long morceau de près de dix minutes, comme on a coutume d'en trouver un au moins sur chaque album des Pumpkins ; mais son souvenir, à lui aussi, s'est vite envolé...
Au final, était-ce un bon ou un mauvais concert ? Il y eut des hauts et des bas, de belles ascensions prometteuses et quelques creux. Et surtout des moments magnifiques, qui coïncidèrent avec les interprétations de "Thirty-Three", "Cherub Rock" - qui réveilla énergiquement la foule un brin endormie par un "Glass and The Ghost Children" pas trop bienvenu -, "Zero", "Muzzle", mais surtout "Tonight, Tonight", qui fut sans conteste le point culminant de la soirée, soulevant une vague de plaisir et de gratitude dans les gradins pleins du Rex.
Billy Corgan nous aura gratifié de quelques hurlements dont il a le secret, ainsi que d'une petite série de prestations acoustiques, seul en scène. Jimmy Chamberlin aura été, comme à son habitude, monstrueux et fantastique dans son jeu de batteur. Quant aux deux petits nouveaux, ils seront restés plutôt sages et discrets ; on regrette que Corgan n'ait - bizarrement - pas pris la peine de les présenter au public, qui n'aura guère su - sauf les plus initiés - qui étaient ces illustres inconnus durant toute la durée du concert.
Des demi-Pumpkins toujours aussi magiques ?
Au final donc, un bon concert, généreux, de près de trois heures, dont la magie n'aura tout de même pas été équivalente à celle des concerts d'avant la rupture de 2000. Peut-être parce que les Pumpkins, c'était une alchimie unique entre Billy Corgan et Jimmy Chamberlin, certes, mais aussi - presque aussi indispensables - James Iha et D'arcy Wretzky. Les Pumpkins en 2007 ne sont plus que la moitié des Pumpkins d'origine. Il ne faut sans doute pas aller chercher plus loin l'explication de ce défaut relatif de magie.
Le mythe Smashing Pumpkins s'était construit à quatre ; il tenait encore à trois, comme durant la tournée Machina, sans D'arcy, ou la période Adore, où c'est Chamberlin, cette fois-ci, qui avait été mis de côté (suite à ses problèmes de drogue). Mais à deux seulement, le mythe tient-il encore ? Les deux qui restent ont, certes, toujours constitué la colonne vertébrale du groupe ; ce sont sans doute ses deux pièces maîtresses. La colonne suffit bien à faire un très bon groupe de rock ; mais elle ne suffit peut-être pas pour conserver le génie créatif à son plus haut niveau.
Attendons tout de même Zeitgeist, attendons de l'écouter en intégralité, et de le réécouter - car les chansons des Pumpkins ne se donnent que rarement à la toute première écoute -, ruminons-les un peu, et alors seulement nous saurons... si le génie est encore là, intact, miraculeusement sauvé de la scission, ou s'il s'est dissipé tristement. Le beau concert de ce soir ne permet pas de trancher. Il aura seulement confirmé, s'il en était besoin, que les Smashing Pumpkins sont un vrai groupe de scène, à la puissance et à la force de conviction inégalées.
Il semblerait, enfin, que Zeitgeist soit un album engagé. Sa pochette, en tout cas, le laisse penser : elle représente, en effet, la Statue de la Liberté en train de se noyer. Son créateur, Shepard Fairey, dit avoir puisé son inspiration dans le réchauffement climatique, en lequel il voit le symbole d'un certain aveuglement américain. Mais la Statue de la Liberté sert aussi de métaphore pour illustrer la menace qui pèse sur certains idéaux fondateurs de la société américaine, comme les libertés civiles, la liberté d'expression, ou le droit à la vie privée. Autant d'acquis en péril depuis les attentats du 11 septembre et la réaction de l'administration Bush. Le soleil, derrière la statue, symbolise, quant à lui, l'espoir. Reste à savoir s'il se couche ou se lève... Ce mouvement dépend sans doute de la volonté humaine... En tout cas, nul doute que Corgan et ses Citrouilles Eclatées ne destinent pas le soleil à se coucher dans la mer.
2 commentaires:
Merci pour cette petite vidéo !
Merci de faire revivre ce moment de grâce.
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