Les amateurs de films d'horreur sont aux anges. A l'affiche, en ce moment, l'un des fleurons du genre. Hitcher ? Mais non... Le meilleur film d'épouvante du moment est un documentaire. Jesus Camp ? Non plus, même si la découverte de ces camps évangéliques pour enfants, que l'on prépare à devenir de futurs soldats de Dieu et de George W. Bush, peut également faire frémir. La palme du meilleur film "gore" 2007 revient à We Feed The World (Le marché de la faim) de Erwin Wagenhofer. Un film tellement effrayant qu'il n'est diffusé que dans six salles à Paris... Pas d'effets spéciaux. Pas de faux sang. Que du vrai. Avec nous, consommateurs, comme principaux acteurs. Et de vrais gens qui meurent. De la faute du "système" - autre nom de l'antique "destin". Dans l'indifférence générale. La nôtre.
100 000 êtres humains meurent de faim ou de ses conséquences immédiates chaque jour dans le monde. 1 enfant de moins de 10 ans meurt toutes les 5 secondes de cette même cause. Selon le rapport annuel de l'organisation pour l'alimentation et l'agriculture, 842 millions d'hommes et de femmes souffrent de malnutrition chronique aggravée, qui les rend invalides et les prive de toute vie professionnelle, familiale et sexuelle. Un chiffre en constante augmentation. Pourtant, il est avéré que l’agriculture mondiale peut, à l’heure actuelle, nourrir dans de bonnes conditions 12 milliards d'individus, soit près du double de la population mondiale ! Ces quelques chiffres aberrants font dire à Jean Ziegler, rapporteur spécial auprès des Nations Unies sur le Droit à l'Alimentation, auteur de L'Empire de la honte, et dont les interventions servent de fil conducteur au documentaire, que "chaque enfant qui, aujourd'hui, meurt de faim est, en réalité, assassiné".
La faute à qui ? Au monde tel qu'il va. Et tel qu'il continuera vraisemblablement d'aller. La faute, selon Ziegler, aux "500 multinationales qui contrôlent 52 % du PIB mondial", "ne s'intéressent absolument pas au sort des pays dans lesquels elles sont implantées", "mènent une politique de maximalisation des profits et assoient leur pouvoir par la corruption des dirigeants". Et ce, dans un monde où "la normativité, qui était ancrée dans la souveraineté des Etats nationaux, se défait comme un bonhomme de neige au printemps" (toujours selon Ziegler, lors de son passage dans l'émission de France 2, Des mots de minuit).
Petit tour du monde de l'absurde
Quelques illustrations de ce monde qui ne tourne pas rond ? A Vienne, en Autriche, on jette environ 2 millions de kilos de pain par an, pourtant parfaitement comestibles. La quantité de pain ainsi gaspillée chaque jour pourrait nourrir la deuxième ville du pays, Graz.
En Roumanie, deuxième producteur agricole européen derrière la France, le leader mondial des ventes de semences, Pioneer, impose ses OGM, ses semences à utilisation unique, et détruit progressivement les modes de culture traditionnels. Un représentant du groupe nous livre un témoignage étonnant, précise-t-il, en son nom propre : il annonce, en effet, l'inéluctable hégémonie future des OGM, tout en la regrettant, souhaite que l'agriculture ancienne puisse résister, alors même qu'il participe activement à la liquider. Illustration, sans doute, du conflit interne à chaque homme, entre son intérêt et sa conscience...
Cet homme, courgettes en main, fait remarquer que celles qui sont génétiquement modifiées sont, certes, bien plus agréables à regarder, plus grosses, plus séduisantes pour le consommateur... mais n'ont aucun goût ; en tout cas, bien moins que les courgettes classiques, plus petites, plus tordues, et moins affriolantes à la vue. Désabusé, il prédit que, demain, les enfants ne connaîtront plus le goût d'une pomme ou d'une tomate authentiques. Le goût n'est malheureusement pas un critère retenu par les multinationales de l'agro-alimentaire. Le critère unique, c'est le profit, et sa maximalisation. Et puis, fait-il finalement remarquer : veut-on de bons produits en faible quantité, ou de mauvais qui pourront nourrir tout le monde ?
Passons, à présent, l'Atlantique. Depuis 1975, les paysans brésiliens ont défriché la forêt vierge et ses arbres gigantesques, qu'on avait coutume de qualifier de "poumons de la Terre", sur une surface équivalant à la France et au Portugal réunies, pour y cultiver du soja, au point que le Brésil en est devenu le premier producteur mondial. Or, le soja appauvrit la terre amazonienne. Un soja qui est ensuite exporté massivement vers l'Europe, où il sert à nourrir... les cheptels, et, en particulier, les poulets. Pendant ce temps-là, les paysans souffrent de malnutrition chronique (comme 25 % des Brésiliens), et vivent dans une telle misère qu'ils doivent puiser leur eau - à boire - dans des mares polluées, à leurs risques et périls.
Situation tout aussi absurde au Sénégal, où les paysans voient affluer sur leurs marchés, au tiers du prix local, les légumes et fruits européens subventionnés, qui les condamnent à ne pas pouvoir vivre de leurs propres productions. Du coup, certains d'entre eux, sans espoir de survie chez eux, malgré leurs journées de travail de 18 heures, émigrent illégalement vers l'Europe, pour s'y faire exploiter (et servir, à l'occasion, de boucs émissaires). A ce drame, Ziegler apporte ce début de réponse : "Pour créer les conditions d’un développement autonome de l’Afrique, l’Europe devrait commencer par supprimer les 349 milliards de dollars de subvention à l’exportation de ses produits agricoles. Le poids de la dette est un garrot qui bloque tous les investissements productifs. L’Europe devrait forcer les grandes banques à accepter sa suppression."
Les poulets et le PDG
Les films d'horreur mettent parfois du temps à faire peur ; il nous font patienter longuement avant de nous faire sombrer dans la franche épouvante. We Feed The World ne déroge pas à la règle. L'ensemble du film est inquiétant ; les deux dernières séquences, elles, glacent littéralement le sang.
D'abord, nous nous retrouvons dans une usine autrichienne qui fabrique des poulets, comme on fabriquerait des jouets ou des voitures. Une usine à bouffe, où l'animal en tant que tel n'existe plus. Fini l'animal qui a sa vie propre, et qu'un jour on chassera et tuera pour le manger. L'animal est ici nié dans son être, et d'emblée réduit à de la bouffe.
Tout commence dans des poulaillers géants, contenant jusqu'à 70 000 individus. Là, dans ces hangars sordides, poules et coqs se reproduisent. Les oeufs pondus sont placés dans des incubateurs. Puis dans de grandes caisses. Les poussins y éclosent, comprimés les uns contre les autres. Ensuite, comme n'importe quels objets dans une usine à la chaîne, ils suivent, sur des tapis roulants qui vont à toute vitesse, un parcours automatisé, durant lequel ils se font bringuebaler dans tous les sens. Ils atterrissent dans d'impressionnants hangars, où ils vont être gavés. A peine le temps de grandir qu'ils sont transportés à l'abattoir. Sans avoir jamais vu la lumière du jour. Sans avoir jamais gambadé en pleine nature. Sans avoir jamais "vécu". Passons sur l'abattage lui-même, nouveau parcours à la chaîne sur tapis roulant, avec électrocution via passage de la tête dans un bassin liquide, et décapitation, jusqu'à l'arrivée finale du cadavre sous cellophane. Prêt à déguster. Ces images soulèvent le cœur et donneront, à n'en pas douter, quelques scrupules aux futurs consommateurs que nous sommes, lorsque nous nous retrouverons face à face avec un poulet sous cellophane au supermarché.
Là encore, il est surprenant d'entendre un acteur de ce système, qui travaille dans une de ces usines à poulets, tenir des propos très critiques à l'encontre de sa propre activité : "Le consommateur ne sait plus comment le système fonctionne. [...] Les gens deviennent indifférents et brutaux pour arriver à leurs fins. Pourquoi ? Car dans les hautes sphères, il n'y a plus personne qui a commencé en bas de l'échelle. [...] Tous ces gens qui étudient à l'école et quittent l'université avec une licence ou un doctorat n'ont plus aucun lien avec leurs racines. Ils voient l'agriculture comme la plupart des gens, à savoir comme on la présente dans les pubs, idéalisée. Mais ça n'a rien à voir avec la réalité. Le marché ne s'intéresse qu'au prix. Le goût n'est pas un critère." La sale besogne est laissée à quelques professionnels qui ont presque honte de ce qu'ils font, tandis que les consommateurs, et peut-être même les maîtres du système, ignorent tout des pratiques de terrain qui permettent la réalisation du profit et sa maximalisation tant recherchée et vénérée.
Ultime scène d'horreur du documentaire de Erwin Wagenhofer : la visite au PDG de Nestlé, Peter Brabeck. Celui qui dirige la plus importante multinationale alimentaire mondiale - et qui n'a pas dû voir le film qui précède son entrée en scène - nous assure que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que le monde n'a jamais été aussi riche, que chacun peut aujourd'hui avoir tout ce qu'il veut... Il nous assure que l'avenir appartient aux OGM, que le bio, ce n'est pas si bien que cela... Il se réjouit de ce que l'homme ait enfin réussi à vaincre la nature hostile, à la maîtriser, à la manipuler à sa guise, et nous promet que tout cela est sans danger ; preuve en est, les OGM n'ont, à ce jour, causé aucune maladie chez nos amis américains. Il s'étonne donc candidement de ce que certains affichent quelques états d'âme vis-à-vis des manières de faire des grandes entreprises transcontinentales qui dirigent le monde.
La faute à qui ? Au monde tel qu'il va. Et tel qu'il continuera vraisemblablement d'aller. La faute, selon Ziegler, aux "500 multinationales qui contrôlent 52 % du PIB mondial", "ne s'intéressent absolument pas au sort des pays dans lesquels elles sont implantées", "mènent une politique de maximalisation des profits et assoient leur pouvoir par la corruption des dirigeants". Et ce, dans un monde où "la normativité, qui était ancrée dans la souveraineté des Etats nationaux, se défait comme un bonhomme de neige au printemps" (toujours selon Ziegler, lors de son passage dans l'émission de France 2, Des mots de minuit).
Petit tour du monde de l'absurde
Quelques illustrations de ce monde qui ne tourne pas rond ? A Vienne, en Autriche, on jette environ 2 millions de kilos de pain par an, pourtant parfaitement comestibles. La quantité de pain ainsi gaspillée chaque jour pourrait nourrir la deuxième ville du pays, Graz.
En Roumanie, deuxième producteur agricole européen derrière la France, le leader mondial des ventes de semences, Pioneer, impose ses OGM, ses semences à utilisation unique, et détruit progressivement les modes de culture traditionnels. Un représentant du groupe nous livre un témoignage étonnant, précise-t-il, en son nom propre : il annonce, en effet, l'inéluctable hégémonie future des OGM, tout en la regrettant, souhaite que l'agriculture ancienne puisse résister, alors même qu'il participe activement à la liquider. Illustration, sans doute, du conflit interne à chaque homme, entre son intérêt et sa conscience...
Cet homme, courgettes en main, fait remarquer que celles qui sont génétiquement modifiées sont, certes, bien plus agréables à regarder, plus grosses, plus séduisantes pour le consommateur... mais n'ont aucun goût ; en tout cas, bien moins que les courgettes classiques, plus petites, plus tordues, et moins affriolantes à la vue. Désabusé, il prédit que, demain, les enfants ne connaîtront plus le goût d'une pomme ou d'une tomate authentiques. Le goût n'est malheureusement pas un critère retenu par les multinationales de l'agro-alimentaire. Le critère unique, c'est le profit, et sa maximalisation. Et puis, fait-il finalement remarquer : veut-on de bons produits en faible quantité, ou de mauvais qui pourront nourrir tout le monde ?
Passons, à présent, l'Atlantique. Depuis 1975, les paysans brésiliens ont défriché la forêt vierge et ses arbres gigantesques, qu'on avait coutume de qualifier de "poumons de la Terre", sur une surface équivalant à la France et au Portugal réunies, pour y cultiver du soja, au point que le Brésil en est devenu le premier producteur mondial. Or, le soja appauvrit la terre amazonienne. Un soja qui est ensuite exporté massivement vers l'Europe, où il sert à nourrir... les cheptels, et, en particulier, les poulets. Pendant ce temps-là, les paysans souffrent de malnutrition chronique (comme 25 % des Brésiliens), et vivent dans une telle misère qu'ils doivent puiser leur eau - à boire - dans des mares polluées, à leurs risques et périls.
Situation tout aussi absurde au Sénégal, où les paysans voient affluer sur leurs marchés, au tiers du prix local, les légumes et fruits européens subventionnés, qui les condamnent à ne pas pouvoir vivre de leurs propres productions. Du coup, certains d'entre eux, sans espoir de survie chez eux, malgré leurs journées de travail de 18 heures, émigrent illégalement vers l'Europe, pour s'y faire exploiter (et servir, à l'occasion, de boucs émissaires). A ce drame, Ziegler apporte ce début de réponse : "Pour créer les conditions d’un développement autonome de l’Afrique, l’Europe devrait commencer par supprimer les 349 milliards de dollars de subvention à l’exportation de ses produits agricoles. Le poids de la dette est un garrot qui bloque tous les investissements productifs. L’Europe devrait forcer les grandes banques à accepter sa suppression."
Les poulets et le PDG
Les films d'horreur mettent parfois du temps à faire peur ; il nous font patienter longuement avant de nous faire sombrer dans la franche épouvante. We Feed The World ne déroge pas à la règle. L'ensemble du film est inquiétant ; les deux dernières séquences, elles, glacent littéralement le sang.
D'abord, nous nous retrouvons dans une usine autrichienne qui fabrique des poulets, comme on fabriquerait des jouets ou des voitures. Une usine à bouffe, où l'animal en tant que tel n'existe plus. Fini l'animal qui a sa vie propre, et qu'un jour on chassera et tuera pour le manger. L'animal est ici nié dans son être, et d'emblée réduit à de la bouffe.
Tout commence dans des poulaillers géants, contenant jusqu'à 70 000 individus. Là, dans ces hangars sordides, poules et coqs se reproduisent. Les oeufs pondus sont placés dans des incubateurs. Puis dans de grandes caisses. Les poussins y éclosent, comprimés les uns contre les autres. Ensuite, comme n'importe quels objets dans une usine à la chaîne, ils suivent, sur des tapis roulants qui vont à toute vitesse, un parcours automatisé, durant lequel ils se font bringuebaler dans tous les sens. Ils atterrissent dans d'impressionnants hangars, où ils vont être gavés. A peine le temps de grandir qu'ils sont transportés à l'abattoir. Sans avoir jamais vu la lumière du jour. Sans avoir jamais gambadé en pleine nature. Sans avoir jamais "vécu". Passons sur l'abattage lui-même, nouveau parcours à la chaîne sur tapis roulant, avec électrocution via passage de la tête dans un bassin liquide, et décapitation, jusqu'à l'arrivée finale du cadavre sous cellophane. Prêt à déguster. Ces images soulèvent le cœur et donneront, à n'en pas douter, quelques scrupules aux futurs consommateurs que nous sommes, lorsque nous nous retrouverons face à face avec un poulet sous cellophane au supermarché.
Là encore, il est surprenant d'entendre un acteur de ce système, qui travaille dans une de ces usines à poulets, tenir des propos très critiques à l'encontre de sa propre activité : "Le consommateur ne sait plus comment le système fonctionne. [...] Les gens deviennent indifférents et brutaux pour arriver à leurs fins. Pourquoi ? Car dans les hautes sphères, il n'y a plus personne qui a commencé en bas de l'échelle. [...] Tous ces gens qui étudient à l'école et quittent l'université avec une licence ou un doctorat n'ont plus aucun lien avec leurs racines. Ils voient l'agriculture comme la plupart des gens, à savoir comme on la présente dans les pubs, idéalisée. Mais ça n'a rien à voir avec la réalité. Le marché ne s'intéresse qu'au prix. Le goût n'est pas un critère." La sale besogne est laissée à quelques professionnels qui ont presque honte de ce qu'ils font, tandis que les consommateurs, et peut-être même les maîtres du système, ignorent tout des pratiques de terrain qui permettent la réalisation du profit et sa maximalisation tant recherchée et vénérée.
Ultime scène d'horreur du documentaire de Erwin Wagenhofer : la visite au PDG de Nestlé, Peter Brabeck. Celui qui dirige la plus importante multinationale alimentaire mondiale - et qui n'a pas dû voir le film qui précède son entrée en scène - nous assure que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que le monde n'a jamais été aussi riche, que chacun peut aujourd'hui avoir tout ce qu'il veut... Il nous assure que l'avenir appartient aux OGM, que le bio, ce n'est pas si bien que cela... Il se réjouit de ce que l'homme ait enfin réussi à vaincre la nature hostile, à la maîtriser, à la manipuler à sa guise, et nous promet que tout cela est sans danger ; preuve en est, les OGM n'ont, à ce jour, causé aucune maladie chez nos amis américains. Il s'étonne donc candidement de ce que certains affichent quelques états d'âme vis-à-vis des manières de faire des grandes entreprises transcontinentales qui dirigent le monde.
Mais ce n'est pas tout. Voici venue l'heure du grand frisson... Peter Brabeck s'interroge très sérieusement sur le prétendu droit de tous les hommes à bénéficier de l'eau ! Ce cher monsieur, bronzé aux U.V. (comme le souligne malicieusement Ziegler), qualifie d'extrémistes les ONG qui considèrent que chaque homme de ce monde a droit à l'eau, et se prononce, pour sa part, en faveur de la privatisation de cette dernière, en laquelle il voit une denrée alimentaire comme une autre, qui a donc une valeur marchande, un prix, et que seuls ceux qui pourront se la payer auront le droit de consommer. Pour les autres... Faudra s'adapter, j'imagine, être flexible... moderne...
En résistance contre la privatisation du monde
Jean Ziegler, dans un entretien au quotidien suisse Le Courrier du 24 octobre 2002, avait déjà pointé "la visée historique de cette oligarchie transcontinentale", incarnée par le PDG de Nestlé : il s'agissait de "la privatisation du monde". En effet, nous disait-il, "pour les maîtres du monde, il ne saurait exister de «biens publics». Cette visée est contenue dans le Consensus de Washington, un ensemble d'accords informels liant les principales sociétés transcontinentales, les banques de Wall Street, la Federal Reserve, la Banque mondiale, le FMI, l'OMC. Le but de cette alliance est l'instauration d'une stateless global governance, d'un marché mondial unifié et totalement autorégulé. Leur méthode : l'élimination de l'Etat et de toute instance régulatrice."
Alors que l'Europe affiche, disait-il en 2002, "une indigne soumission à l'empire états-unien", alors même qu'elle "a les moyens de résister", Ziegler situe le dernier rempart contre la privatisation du monde dans "la Charte des Nations Unies et la Déclaration des droits de l`homme". "Les valeurs qu'elles contiennent et véhiculent", poursuit-il, "constituent la norme ultime de toute politique. Les nouvelles formes d`organisation issues de la société civile se meuvent dans cette constellation de valeurs. L'espoir vient de ces réseaux qui associent des individus et des groupes de manière transversale sans hiérarchie, sans dogmatisme, sans programme commun. Ils sont absolument et totalement dans la résistance. Contre la privatisation du monde. Georges Bernanos a écrit : «Dieu n`a d`autres mains que les nôtres.» Nous vivons en démocratie, nous pouvons et devons renverser l'ordre meurtrier du monde."
Réentendre la voix oubliée des sages
En voyant We Feed The World, j'ai pensé, par contraste, à deux êtres extraordinaires, dont les paroles précieuses nous manquent : l'ethnologue Claude Lévi-Strauss et le romancier Jean-Marie Gustave Le Clézio. Ces deux sages ont toujours été fascinés par des peuples (amérindiens entre autres) qui savaient vivre dans une "bonne entente avec la nature" (11e minute de cet entretien entre les deux hommes), en harmonie avec elle - du fait de leurs croyances : "Quand il existe des croyances en un maître des animaux, qui veille jalousement sur les procédés de chasse, et dont on sait qu'il enverra des châtiments surnaturels à celui ou à ceux qui tueraient plus qu'il n'est strictement nécessaire, quand, pour cueillir la moindre plante médicinale, il est nécessaire de faire d'abord des offrandes à l'esprit de cette plante, tout cela oblige à entretenir avec la nature des rapports mesurés. Et certains peuples ont même cette croyance que le capital de vie qui est à la disposition des êtres fait une masse, et que, par conséquent, chaque fois qu'on en prend trop dans une espèce, on doit le payer aux dépens de la sienne propre..." (voir ce bel entretien entre Bernard Pivot et Lévi-Strauss à partir de la 27e minute).
Des peuples qui développaient, continue Lévi-Strauss, "une façon sensée pour l'homme de vivre et de se conduire, et de se considérer, non pas, comme nous l'avons fait, [...] comme les seigneurs et les maîtres de la création, mais comme une partie de cette création, que nous devons respecter, puisque ce que nous détruisons ne sera jamais remplacé, et que nous devons transmettre telle que nous l'avons reçue à nos descendants. Ça, c'est une grande leçon, et presque la plus grande leçon que l'ethnologue peut tirer de son métier." Une leçon à inculquer d’urgence à Peter Brabeck.
Le Clézio aussi nous parle de peuples qui ne partagent guère notre civilisation technique du rendement, et qui ont un sentiment de "la très grande fragilité" de la nature, qui savent par exemple que l'excès d'exploitation est néfaste, que si l'on remplace la forêt naturelle par des champs en monoculture, l'on obtient une détérioration du sol (écouter cet entretien vers 30min40). Il nous entretient de ces peuples qui vivent dans le respect des plantes, ne les cueillent qu'avec une extrême précaution, et si seulement elles ne sont pas trop jeunes, tout comme ils ne pêchent point de poissons qui n'auraient suffisamment vécu, ces peuples qui placent plantes et animaux à égalité avec les hommes. On est loin des poulets d'usine tenus toute la durée de leur courte vie à l'abri de la lumière du soleil, et traités non comme des être vivants, mais comme des objets utilitaires à l'homme. On est loin du massacre de la forêt amazonienne, remplacée par des champs de soja à perte de vue, destinés au gavage des poulets d'usine... On est loin de cette culture mortifère décrite par We Feed The World.
La nostalgie d'un Lévi-Strauss ou d'un Le Clézio pour ces peuples que d'aucuns qualifiaient de "sauvages", de "barbares", ou de "primitifs", peut être salutaire. Car c'est bien de l'esprit écologique (certes laïcisé) qui les animait que viendra, s'il doit venir, le salut de notre civilisation.
1 commentaire:
ma crise d'adolescence passé,je m'interesse depuis quelques mois a la politique et je souhaiterais avoir l'opinion d'une personne de votre niveau d'étude et de culture génerale sur mon avis personnel et perfectible du monde(ce message laissé sur plusieurs sites traite du 11 septembre):
salut à tous,
Voila mon premier message laisser sur un forum de ce genre je vous demande donc une certaine indulgence sur la forme de ce commentaire et d'attacher plus d'importance au fond.
je ne vais pas relancer le débat sur les origines du 11 09 et je vais suivre la demarche la plus cartesienne qui soit :débuter sur plusieurs hypotheses .
-le monde est liberal
-les marchands d'armes font partie des entreprisees les plus riches et les plus influentes (etats ,medias)qui soit et qui profite de ce liberalisme.
le capital n'ayant pas de limite ,des guerres eclateront tant que ces commerces domineront le monde.
conclusion numero une:cette nouvelle guerre (d'irak)a permis a ce commerce de s'enrichir (apres l'interminable guerre froide qui a permis l'armement du monde entier..,a vos livres d'histoires)
nouvelles hypotheses:
-nous ,le monde en general, nous dirigeons vers une penurie de petrole
-le commerce de l'energie n'est pas ,non plus ,le moin rentable qui existe
conclusion numero deux :cette guerre leur a permis ,comme cela a déja été souligné dans ce site , a mettre la main sur un endroit stratégique abondant en energie fossile
CONCLUSION FINALE:il ne serait pas étonnant ,vu les manquements a l'enquete du 11 septembre et que tous les grands ploutocrates y trouvaient leurs propres interets,que ce tournant du 11/09 soit factice .
Meme s'il ne l'est pas nous devrions ,nous tous pauvres miserables,nous inquieter du sort qu'ils nous reservent pour cela je vous conseille une petite lecture :"le neoliberalisme,un tres vieux systeme...pourquoi(faut-il) le combattre? "au edition alter europa (a commander sur internet . voili voilou
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